Gérard Rondeau est né à Chalons-en-Champagne le 10 avril 1953 dans une famille d’enseignants. Il fait ses études à Reims et travaille dans l’Alliance française de Colombo, Sri Lanka dans les années 1970. La découverte du livre de Henri Cartier-resson sur l’USSR dans la librairie de l’Alliance fut une révélation pour lui. Dès son retour à Champagne, il lance sa carrière de photographe autodidacte. Pendant plus de vingt ans, il entretient une amitié proche avec le journal le Monde, produisant une large collection de portraits de peintres et d’écrivains contemporains, avec des amitiés durables émergeant de ces interactions. Il photographiait le peintre Paul Rebeyrolle en action et voyageait à travers les champs de bataille de la Première Guerre mondiale avec le romancier Yves Gibeau. Il fit le tour des venues musicales parmi les plus connues au monde avec le Ysaÿe Quartet. Il procéda également avec la réalisation d’un inventaire de rues qui ont marqué sa vie avec l’aide de l’écrivain Bernard Franck et traversa la Marne avec Jean-Paul Kauffman.

Gérard Rondeau, voyageur infatigable, parcourait constamment le monde tout en restant très attaché à sa Champagne natale, où il a choisi de vivre, réexaminant continuellement ses paysages et son peuple. Il redécouvrait les trésors cachés de la Cathédrale de Reims. Il explorait les coulisses des musées ; il a couvert la vie de Sarajevo sous siège : il a dressé un portrait du Maroc contemporain dans le dialogue hors du temps avec les peintures et dessins de Delacroix, et a découvert la face cachée du Tour de France. Il accompagnait les missions des Médecins du Monde pendant plus de quinze ans. Au long de sa carrière, il a pris des photos des célébrités, dont Iggy Pop, Clint Eastwood, Peter Falk, Christian Louboutin, Serge Reggiani, Christian Lacroix, Jean-Paul Gaultier, Geraldine Chaplin, Isabella Rossellini, Paul Bowles, Alain Bashung, Pierre Soulages, Jacques Derrida et Jim Jarmusch.

Rondeau voyageait dans un monde noir et blanc, empruntant d’innombrables routes, jouant avec les mots, les jeux d’ombre et de silence, donnant vie aux histoires et recréant des mondes dans la douleur. Auteur de nombreux ouvrages sur les voyages, les cicatrices de la guerre, le patrimoine français et européen et le monde des peintres contemporains, Rondeau était un artiste unique dans son genre.


Entre 1992 et 1996, Gérard Rondeau s’est rendu à plusieurs reprises dans la ville assiégée de Sarajevo, victime européenne des dernières tranchées de guerre du vingtième siècle. Il s’y fait des amis, dont Zlatko Dizdarević, alors rédacteur en chef du quotidien Oslobođenje. Ensemble, ils publieront entre autres le livre ‘Sarajevo: le silence et rien autour’, édité par Actes Sud. Avec des départs et des arrivées constants sur la route Sarajevo – Est de France, dans la véritable géographie des traces de la guerre, mais aussi de la période 1914-1918 et 1992-1996, ce parcours unique de Gérard Rondeau s’appuie sur ses visites simultanées sur les sites tant de la Première Guerre mondiale que celles de la dernière guerre, la guerre de la Bosnie-Herzégovine.

« Il est venu pour la première fois, je me souviens, à l’automne ’92 avec Francis Bueb, un merveilleux enthousiaste venant de la Fnac de Paris. Plusieurs d’entre nous pensions encore naïvement que la guerre s’arrêterait plus vite si nous formions un centre culturel comme lieu de rassemblement des intellectuels du monde ‘qui raconteront la vérité sur Sarajevo’. Gérard avait alors avec lui, comme à chaque fois depuis, juste un petit ‘Leica’; pas de zoom, pas de pile de matériel, pas de grands objectifs. Juste un appareil caché sous son manteau, qu’il sortirait rapidement en dessous de son bras, qu’il cliquerait le temps d’un cliché, et qu’il remettrait sous son aisselle. Nous avons commencé avec une ‘librairie française’ dans une boutique abandonnée en face de ‘Napredak’. Francis, Bato Čengić, lui, Srđan, certains membres des forces de protection de l’ONU qui ont traîné des piles de livres avec leur ‘Hercule’… La guerre et les livres! Probablement de manière inconsciente, ce groupe s’est lancé dans la création du Centre André Marleaux. Gérard commençait sa grande aventure de toute une vie à Sarajevo. Foncièrement différente de tous les autres photo-reporters étrangers, qui venaient et partaient. Seul Milomir ‘le Terrible’ fut de ce groupe sanguin, mais lui, il est de toute manière des nôtres. » Zlatko Dizdarević

Gérard Rondeau a présenté de nombreuses expositions personnelles dans des institutions telles que les Galeries Nationales du Grand Palais de Paris, La National Gallery de Jakarta, La Maison Européenne de la Photographie à Paris, le Festival Luz à Buenos-Aires, le Musée de l’Elysée à Lausanne, et le Martin-Gropius-Bau à Berlin. Il a inventé des séries de photos spécifiques à Istanbul, New York, Rome et Sarajevo.


Sarajevo, janvier 1994.
Gérard Rondeau (galerie d’images de Sarajevo en temps de guerre)

« Les gens s’attendent à la mort. Ils marchent dans les rues sans se précipiter, malgré que les balles et les bombes pleuvaient autour d’eux. Ils ne savent plus comment courir.
De toute façon, la balle d’une arme à feu sera toujours plus rapide que les hommes désespérés qui courent. Il n’y a pas d’issue. » 


Gérard Rondeau

« Il faut l’admettre, c’est fantastique de ne pas huer si l’on se retrouve victime ou non d’un sniper. Même les balles ne sont plus ce qu’elles étaient dans cet endroit. Elles n’ont de sens que si les gens ont peur. » 







Gérard Rondeau

Rondeau est l’auteur de plus de quinze livres et de dizaines d’expositions à travers le monde. Son travail, ses livres et ses expositions font penser à des journaux intimes ou des romans. Lorsqu’il s’est rendu en ex-Yougoslavie avec Médecins du Monde pendant les guerres des années 1990, il a publié sous forme de journal décrivant son expérience. En 2007, il a reçu le ‘Prix de l’Artiste de l’Année’ dans la catégorie ‘Arts Plastiques’ lors des Globes de Cristal à Paris. Vous pouvez trouver plus de son travail sur son site Web.

Qu’il s’agisse d’explorer les ailes d’un musée, faire la chronique de Sarajevo assiégée, découvrir la vie des bénévoles pour Médecins du Monde, ou de suivre le Tour de France, Gérard Rondeau a toujours su choisir un angle original qui échappe aux stéréotypes et aux clichés. Depuis vingt ans, il a accumulé une collection considérable de portraits de peintres et d’écrivains contemporains, et en particulier celui d’un de ses amis, Paul Rebeyrolle, bien avant que l’auteur ne soit largement reçu ou reconnu. Éclectique mais néanmoins précis dans ses projets, Rondeau développe un type curieux de photographie. Il est sensible, exigeant et cultivé; pas simplement illustratif.

Entrelaçant ses histoires personnelles avec ses témoins privilégiés, l’univers de Rondeau nous amène jusqu’à ses errances constantes sur les routes de la guerre, et ses photographies mettent en lumière toute la tristesse d’une cour paroissiale mourante, le silence de paysages battus, et nous parlent de mort, de souvenir et d’une disparition complète. 
Sarajevo, janvier 1994.


« A l’aube, je regarde le mur de la maison dans laquelle ils venaient volontiers après la guerre, sa photographie presque mythique prise depuis la fenêtre du théâtre Kamerni à Sarejvo, et encadrée dans un vieux cadre en bois de l’Est, de l’hiver entre ’92 et ’93. Dans la rue Titova, déserte et sous la neige, une silhouette seule traversait les rails où plus aucun tram ne passait… Il y avait là jadis un grand magasin de fleurs, en face duquel se trouvait le cinéma Romanija. Je n’ai jamais lu ce qu’il y avait d’écrit au dos de cette photographie, imprimée tel une carte postale dans le monde, ou bien je l’ai fait mais je l’avais oublié. Nous avons encore la photographie originale, signée de son éternel vieux stylo Mont Blanc, dans notre maison dans la rue Skerlićeva. Lorsque j’enlève cette carte postale de son cadre, on voit inscrit au dos en grand: ‘Quelqu’un vous attend à Sarajevo’, » se souvient Zlatko Dizdarević le jour où il apprend que Gérard est décédé.

 


GÉRARD RONDEAU est né le 10 avril 1953 à Chalons-en-Champagne, France.

Il est mort du cancer le 13 septembre 2016, à l’hôpital Henri Mondor à Créteil, Val-de-Marne, France.




Remerciements à  Zlatko Dizdarević
Traduit par Arslana Dedajić et Nedžla Dedajić
Musique: ‘Gustav Mahler – Symphony No. 5’
L’utilisation de la chanson est autorisée à des fins non-commerciales sous licence:
Attribution-NonCommercial 4.0 International (CC BY-NC 4.0)

© 2020 Sniper Alley. All Rights Reserved.