Alexandra Boulat est née le 2 Mai 1962 à Paris, France. Initialement elle avait fait des études d’Art et d’Histoire de l’Art à l’École des Beaux-Arts à Paris. Elle suivait les pas de son père, le photographe Pierre Boulat, qui avait travaillé pour le magazine LIFE pendant 25 ans et de sa mère Annie Boulat, fondatrice, en 1979, de l’agence de photo Cosmos. Alexandra a grandi entourée de photographies. En 1989 elle rentre à l’agence Sipa Press et part pour les Balkans où elle s’est fait connaitre comme une des rares femmes photojournalistes de guerre.
« J’ai étudié les arts, le dessin et l’histoire de l’art à Paris et je travaillais comme peintre pendant 10 ans mais j’ai toujours voulu être photographe. Quand j’ai commencé à travailler à Sipa Press en 1989, je n’ai jamais pensé que je finirai comme photojournaliste de guerre. Mais c’est venu tout seul vers moi, sur la route traversant l’ex-Yougoslavie. Pendant le printemps 1991, je voyageais à travers les républiques de Yougoslavie pour faire un reportage sur ce pays qui était au bord de la rupture. J’étais au bout de mon voyage quand le premier conflit a éclaté. Après avoir erré dans les villes, les villages et les paysages de Yougoslavie toujours paisibles, j’avais appris d’avantage sur les lieux, leurs peuples et leurs différences ethniques. Alors, le premier point de contrôle des civils serbes armés à l’entrée d’un village croate m’a poussée à continuer mon histoire malgré les dangers encourus et les émotions fortes. Ainsi, pendant les 9 années suivantes, je suis devenue le témoin d’une des guerres les plus meurtrières d’Europe, et j’ai accompagné des milliers de gens aux cimetières. » Alexandra Boulat
Boulat a été représentée par l’agence de sa mère Cosmos puis par Sipa Press pendant 10 ans, jusqu’en 2000. Ses reportages et histoires ont été publiés dans de nombreux magazines internationaux, notamment National Geographic Magazine, TIME, et Paris-Match. Elle a reçu de nombreux prix prestigieux pour son travail: The Harry Chapin Media Awards 1994 – Sarajevo assiégée – Reportage sur la vie quotidienne à Sarajevo pendant la guerre en Bosnie, publié dans le livre ‘Material world’; Le prix Paris-Match en 1998 – Violence au Kosovo. Perpignan, Visa d’Or pour l’Image, 1998 – Vie quotidienne et violence au Kosovo ; USA Photo Magazine’s photographe de l’année, 1998; Infinity Award, International Center of Photography, New York, 1999 – Vie quotidienne et violence au Kosovo; The Overseas Press Club en 2003 pour son reportage sur l’Afghanistan, et elle a été nommée la meilleure photographe féminine par Bevento Oscars en Italie en 2006. Boulat couvrait les news, les conflits et les problèmes sociaux mais aussi elle faisait des reportages extensifs sur les pays et les peuples. Parmi ses innombrables missions, elle couvrit les guerres en ex-Yougoslavie de 1991 jusqu’en 1999 ce qui inclut la Croatie, La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo; la chute des talibans; les iraquiens vivant sous l’embargo dans les années 90, et l’invasion de Baghdâd par les forces de coalition en 2003.
Seulement deux jours avant l’attaque terroriste sur le World Trade Centre en septembre 2001, elle cofonde avec une demi-douzaine des plus grands photographes – James Nachtwey, Gary Knight, Ron Haviv, Christopher Morris, Antonin Kratochvil et John Stenmeyer – l’agence de photographie coopérative VII . Leur mission était de laisser une trace inoubliable des injustices subies par les hommes. Son appartement à Paris en fut son premier siège. Un an plus tard, elle est primée par le World Press Photo Contest pour ses photographies du dernier défilé d’Yves St Laurent. Quarante ans auparavant, son père avait photographié le premier défilé du célèbre designer de mode. Un de collègues de Time qui travaillait à ses côtés en Afghanistan cette année, l’a surnommée ‘Ninja avec le Nikon’ car elle avançait implacablement, et avait le talent de se fondre dans l’arrière-plan soit en se roulant dans la poussière soit en grimpant les échelons. Elle s’habillait en noir ou en kaki, ce qui la rendait invisible dans une chambre pleine d’activités et semblait disparaitre littéralement dans son travail. Elle ne reculait pas même devant la mort et embrassait les complexités de la vie avec un sens de l’absurde.
Boulat n’était pas une étrangère sur le champ de bataille, elle a couvert les conflits des Balkans, depuis les images puissantes de Vukovar, Croatie en 1991, en passant par les horreurs de guerre en Bosnie-Herzégovine jusqu’aux photos des massacres et des exodes des peuples de Kosovo depuis 1998. Toujours consciente des risques pour sa propre vie, elle a été menée par le désir de donner une voix à ceux qui ne peuvent pas être entendus, de porter le témoignage de l’invisible, et d’une manière de rendre raison à la folie. Elle était une âme rare qui pouvait supporter le chaos de la guerre et le rendre visible pour le reste du monde. Alexandra Boulat a publié deux livres : PARIS publié par National Geographic Books en 2002 et Eclats De Guerre, dix ans de conflit en ex-Yougoslavie, publié par Les Syrtes Image en 2002. Elle a aussi publié des histoires dans le National Geographic magazine: Les Albaniens – le peuple défait, en février 2000 et les témoignages du Kosovo, février 2000.
Le journal d’Alexandra Boulat | le 4 novembre 1993 | Sarajevo, Bosnie-Herzégovine
« Tout ici, pour réinventer le photojournalisme dans le froid et le désolement.
Faut aimer. J’ai aimé. J’aime encore et de plus j’y ai des amis…
Il fait 10 degrés de moins que la semaine dernière. Il fait froid dans la chambre, pas d’électricité. Pas de chauffage. Pas d’eau. Je pourrais rester 1 mois à photographier les gens aux sacs pleins de bois, aux hommes qui traînent des chariots de bidons d’eau. Je pourrais photographier chaque impact d’obus sur le sol, et chaque trou béant dans les immeubles. Les chiens qui fouillent dans les poubelles, les gens dans la nuit qui marchent éclairés à contre-jour par des phares de voiture. La brume dans les rues, plus que désertes, sur Sniper’s Allee. La route qui mène de l’aéroport jusqu’au centre-ville a été surnommée l’allée des snipers.La colonne vertébrale brisée de Sarajevo paralysée alignée avec les bâtiments avec appartements modernes, qui ne sont plus que des trous de rats, empilés sur vingt étages. Et c’est sur ces étages supérieurs que sont, plus que personne d’autre, les plus démunis et les plus exposés aux tirs, sans électricité et sans eau. Ils montent quelques douzaines d’étages chaque jour, dans l’obscurité, chargés de bidons d’eau et le bois. La ville ottomane est la scène des massacres. Le supermarché, les boulangeries, les points de ravitaillement en eau sont les cibles favorites de l’artillerie serbe, perchée sur les collines d’alentour. »
Le journal d’Alexandra Boulat | le 5 novembre 1993 | Sarajevo, Bosnie-Herzégovine
« J’adore la photo et j’aime observer. Voilà tout.
Je ne vais pas m’énerver. Mais il y a une frontière sensible à ne pas dépasser, dans ce métier de journaliste et plusieurs points sensible concernant ce métier s’il doit rester ce qui le détermine : un témoignage.
Le journaliste est témoin, et il peut bien être voyeur, il peut influencer des hommes par son témoignage, mais il ne doit pas devenir un personnage influent, sinon il devient un personnage politique. La mission du journaliste est très simple et ne doit pas dépasser ces limites. Témoin, un point c’est tout. Il ne changera rien de lui-même. »
(vous pouvez voir ici le reste de la galerie de Sarajevo)
Alexandra Boulat était l’architecte d’une œuvre, du travail le plus militant, le plus délibéré et focalisé sur les victimes – particulièrement les femmes – des conflits et des injustices de notre temps. Elle avait une personnalité séduisante, qui avait hérité de l’amour et du talent pour la photographie et qui possédait un désir inné de montrer la condition humaine dans le conflit ou la guerre. Avant l’invasion de l’Iraq, le gouvernement de Saddam Hussein avait scruté soigneusement les journalistes internationaux en contrôlant leurs histoires et les photographies qui quittaient le pays. De nombreux photographes ont été systématiquement expulsés d’Iraq parce que le gouvernement n’appréciait pas les photos qu’il voyait sur les appareils digitaux et les écrans des ordinateurs portables. Boulat, d’un autre côté, travaillait en argentique – ce qui rendait la tâche difficile aux Iraquiens car ils ne pouvaient pas savoir ce qu’elle photographiait. Elle savait uniquement qu’on lui avait permis de rester et elle en profitait en voyageant à travers tout l’Iraq.
Au cours de ses dernières années, elle travaillait sur le conflit israélo-palestinien. Elle a aussi photographié la vie de famille de Yasser Arafat. Ses autres missions incluent des reportages sur des pays comme l’Indonésie et l’Albanie, et un reportage sur les Berbères Du Maroc. Les portraits et histoires de femmes du Moyen-Orient – Iran, Iraq, Afghanistan, Pakistan, Jordan, Syrie, Gaza et les Balkans de l’ouest. C’était son voyage en Islam: fondamentalisme, guerre, violence domestique, éducation et jeunesse. »Les victimes de guerre en Iraq, Afghanistan et Gaza, retenues par les institutions religieuses et révolutionnaires en Iran, peu de femmes ont tendance à embrasser l’influence de l’Ouest. Dans chaque pays, elles sont strictement condamnées par les lois ou la morale si elles essaient de fuir le code de famille et les traditions drastiques. Dans cette partie du monde, la famille et l’honneur sont la première et l’unique règle. Chaque femme qui a accepté ma caméra avec grâce ou naïveté ou très souvent avec le consentement des hommes, a sa propre histoire à raconter. Elles parlent toutes de leur condition, leurs rituels, leurs habitudes, leur colère et leur joies, qu’elles soient réfugiés, pèlerins, kamikazes, adolescentes ou des poupées orientales. » Alexandra Boulat
Un compagnon aussi excitant et glamour que vous pouvez l’espérer en voyageant sur une route déserte vers un horizon enfumé, Alexandra Boulat incarnait, à bien des égards, l’image d’une femme photojournaliste. Française, grande, au dos droit, gracieuse, saisissante ; elle ne se comportait qu’avec style et équilibre. Courageuse, drôle, ses humeurss légendaires pouvaient être capricieuses et mercuriales, mais son sens de l’objectif était inébranlable: « prend la photo » était son cri de guerre largement accentué et en effet, elle en prenait, brillamment. Elle n’était qu’une personne. Mais avec sa mort en octobre, à l’âge de 45 ans, le gang soudainement semble si petit, réduit beaucoup plus qu’on ne pouvait l’imaginer par une perte unique. Malgré la renommée qui a suivit la reconnaissance de son travail, elle est restée curieusement insensible à l’orgueil et la vanité dont souffraient nombreux de ses paires. »Hoohoohoo, » elle se moquait de moi, d’elle-même, un après-midi au Kosovo apprenant qu’elle avait reçu un prix pour l‘une de ses œuvres »Je n’en fais pas grand chose, moi, mais ce que je fais, je le fais bien » Anthony Lloyd
« J’aime la photographie. Je suis dédiée à mon travail aussi, et c’est ainsi pendant les 15 dernières années. C’est pourquoi j’en suis arrivée là où je suis, travaillant pour les meilleurs magazines, en mission pour les meilleures histoires, ce qui me donne la possibilité de prendre les photos que j’aime, de la manière dont j’aime les prendre. Alors, je sais ce qu’il faut. Cela concerne tout. Votre santé, vos craintes et votre vie sentimentale. La photographie doit être la première, tout ce qui n’est pas en relation avec elle doit être laissé derrière, oublié, abandonné. Cet engagement a été douloureux parfois, mais je n’ai pas de regrets. »
Alexandra Boulat
photo par Nikola Šolić
L’association Pierre & Alexandra Boulat qui a été fondée pour la mémoire et dans le but de promouvoir le travail de Pierre & Alexandra Boulat et d’encourager le travail des photojournalistes, a créé le prix, avec le support de LaScam – société civile des auteurs multimédia – la donation de 8000 euros qui est dédié aux photojournalistes. Le prix est présenté à tous les photographes professionnels de n’importe quel âge, sexe ou nationalité qui veulent parler des problèmes sociaux, économiques, politiques ou culturels du pont de vue des journalistes, sur présentation d’un dossier. Le Prix est donné afin de permettre au gagnant de produire une histoire qui n’a jamais été raconté auparavant mais celle pour laquelle le photographe ne peut pas trouver de support dans les médias. L’entrée est gratuite et vous pouvez trouver plus d’informations sur la modalité de participation en visitant les sites web suivants: www.viiphoto.com & www.pierrealexandraboulat.com
ALEXANDRA BOULAT est née le 2 mai 1962 à Paris, France.
Elle est morte e 5 octobre 2007 à Paris, France, suite aux complications dues à une rupture d’anévrisme cérébral à Ramallah, Palestine.
Photo de couverture par Emmanuel Ortiz
Remerciements particuliers à Annie Boulat
Merci à VII Photo Agency, National Geographic & The Guardian
Traduit par Edina Demir
Musique: ‘Debussy – Clair de Lune’
L’utilisation de la chanson est autorisée à des fins non-commerciales sous licence:
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